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CHARLES MONSELET

Nerval sans oser lui adresser la parole. Enfin, un jour, sa timidité enhardissant la mieuue — il n’y avait que nous deux dans le salon du journal — j’eus l’audace de l’inviter à diner. Nous allâmes au restaurant. Je ne me lassai pas de l’entendre… Après le diner, Gérard me prit sous le bras, et je commençai avec lui, dans Paris, une de ces promenades qu’il affectionnait tant…

Gérard de Nerval se montrait parfois à l’estaminet de Valois, sous les arcades du Palais-Royal.

« … Là se donnaient rendez-vous, à peu près tous les soirs, Hippolyte Castille, Georges Bell, l’aimable Verteuil, secrétaire du Théâtre-Français, l’ex-libraire Ladvocat, Ricourt, Angelo de Sorr, un romancier farouche ; d’autres libraires encore, Furue et le petit père Souverain, Sartorius, etc. »

Une autre admiration de Charles Monselet fut Théophile Gautier.

« … Théophile Gautier est un des hommes de lettres que j’ai le plus désiré voir, lors de mon arrivée à Paris. J’avais dévoré tous ses livres en province, et il m’apparaissait comme la plus parfaite incarnation du romantisme…

» Ce ne fut qu’au bout de quelques mois que, s’accoutumant à me voir dans les bureaux de rédaction de journaux, il me fit l’honneur de m’admettre insensiblement à son intimité…

» Plus tard, nos rencontres étaient de véritables fêtes pour moi. — Dis-moi des vers ! faisait-il en me prenant par le bras !

» Et à travers les rues, les places, les jardins, sans s’inquiéter des regards qui nous suivaient, il me menait, écoutant, discutant les rimes… »

Théophile Gautier trônait au divan Le Pelletier, à ce divan Le Pelletier qui a été au xixe siècle ce que le café Procope a été au xviiie siècle.

»… Je me rappelle avec plaisir ce petit hôtel[1], dans le

  1. Le Petit Paris. Paris, 1879.