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CHARLES MONSELET

lutte contre son physique est née une partie de son âcreté, de son amour-propre maladif. Il portait un corset ; sa littérature aussi.

L’enthousiasme compte assez de moutons chez nous pour que j’aie le droit de me montrer sévère envers un homme de cette valeur. Qui dit critique, dit rigueur. La Harpe, Fréron et Geoffroy ont été rigoureux envers les écrivains les plus renommés de leur temps. Ils ont bien fait, on a fini par les estimer et les comprendre… C’est d’ailleurs au milieu du succès qu’il y a devoir pour la critique à intervenir. Pour Stendhal inconnu, j’eusse mendié l’obole des lecteurs ; — pour Stendhal célèbre, j’évoque la discussion.

» Esprit taquin, gentilhomme sans blason, renégat de sa famille et de sa patrie jusqu’à prendre tous les noms et à vouloir se faire passer pour Italien sur la pierre sacrée du tombeau, dilettante par volonté, diplomate avec un visage de droguiste, écrivain de corruption hésitante et de demi-courage bienveillant chaque fois seulement que la bienveillance donne raison à sa vanité, toujours hors de sa place parce qu’il ne veut pas de place, amant sournois de la renommée qu’il attend au coin d’une rue, Stendhal, puisqu’il veut qu’on le nomme ainsi, demeurera en effet un homme de mérite et de beaucoup de mérite ; mais je doute qu’il rencontre la sympathie, que d’ailleurs il s’est orgueilleusement appliqué à ne jamais solliciter. »


« On voit que, dans ce temps-là, je n’y allais pas de main morte ! » a ajouté plus tard Charles Monselet au bas de ce dernier alinéa. (Catalogue. Paris, 1871.)


De cette sévérité dans la critique, le critique lui-même devait s’expliquer quelques années plus tard.

Charles Monselet venait enfin de publier dans la Revue de Paris (septembre 1853), sous le titre de Bibliothèque galante,