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SA VIE, SON ŒUVRE

un peu d’autorité, mais y gagna par contre une renommée de bienveillance et de courtoisie des plus flatteuses.

Peut-être Charles Monselet obéissait-il aussi aux conseils paternels ; — M. Monselet père écrivait en effet de Nantes, à la date du 19 octobre 1860 :


… Je t’engage, mon bon ami, à adoucir le plus qu’il te sera possible l’amertume de la critique. Alceste nous l’a dit :


Si l’on peut pardonner l’essor d’un mauvais livre.
Ce n’est qu’aux malheureux qui composent pour vivre.


Eh bien ! le théâtre a besoin de nouveautés bonnes ou mauvaises ; en produisant beaucoup, il est impossible d’avoir toujours de l’esprit, et la littérature du boulevard doit être à la portée du public qui l’entend. Donne à ce public le Misanthrope et la Métromanie, autant lui parler grec ; donc la critique ne doit pas prendre et traiter au sérieux cette littérature de contrebande…


Monselet en vint à se détacher peu à peu des choses du théâtre : la vérité est qu’ayant abdiqué son indépendance, il ne se croyait plus désormais aussi enchaîné par le devoir. Il en avait d’ailleurs tant vu déjà de ces pièces de théâtre qu’il retrouvait, à quelques variantes près, toujours les mêmes : aussi, en dehors des véritables manifestations littéraires, le critique commençait à préférer à ces représentations son bien-être personnel qu’il trouvait, en digue fils d’Épicure, dans une lente digestion d’un repas commencé… à l’heure où la toile se lève.

Il savait, malgré cela, apaiser sa conscience et sauvegarder sa dignité par une courte et tardive apparition au milieu de ses confrères. Souvent aussi un fidèle secrétaire lui rendait compte des moindres incidents de la salle et de l’humeur ou de la disposition du public vis-à-vis de l’ouvrage représenté.

C’est alors qu’on commença à reprocher à Monselet de n’entrer que rarement dans une salle de spectacle et de