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SA VIE, SON ŒUVRE

haï donc !… Ôôôô… Hé ! toi, vas-tu te ranger là-bas !… Cré vingt dieux !… Hue, Jean-Marie ! tchok, tchok, tchok. Là, là, là… hue, carcan !… Qué qu’il a donc aujourd’hui ?… Hue ! hue ! Caporal de bon Dieu ! ktt, ktt, ktt, ktt… Y aura de l’eau, ben sûr…, hue ! »

Une fois j’ai essayé de me jeter en travers de ce monologue, et je n’ai pas été récompensé de ma tentative. — « Serons-nous arrivés dans une heure à Lamballe ? » lui ai-je demandé.

» Il ne m’a pas répondu et il a frappé plus fort ses bêtes : mais au bout de cinq minutes il a grommelé : « — Ah ! ben oui, dans une heure ! Vous avez ben le temps encore de gratter vos puces ! »


C’est surtout en voyage que Monselet applique ses procédés ordinaires de résurrection ; il va droit aux humbles et aux oubliés, il demande à la pierre son passé, dédaigne les voies larges et neuves et s’enfonce dans les faubourgs, s’arrête aux vieilles enseignes, s’enquiert de tout mystère et reconstruit par bribes une époque disparue où il retrouve tout un monde de connaissance ; — ainsi, nous l’avons vu passer huit jours à la bibliothèque de Quimper et en sortir triomphalement armé de pied en cap pour défendre Fréron.

À Lyon, il écrit l’histoire de Jérôme Coton, dernier chapitre d’une histoire oubliée et qui n’a jamais été faite : l’histoire du mélodrame ; ou bien encore il retrace la physionomie de Mourguet, l’inventeur de Guignol.


« Un de mes étonnements, en arrivant à Paris, écrit Monselet, fut de voir dans les Champs-Élysées la plupart des baraques de Polichinelle décorées du nom de Guignol. Je n’avais pas été préparé à cette confusion ou à cette transformation de type, et j’en conçus beaucoup d’inquiétude. Machinalement, je prenais la route de l’Arsenal pour me renseigner auprès de Nodier, lorsque je me rappelai que Nodier était mort.