» Il s’écoula donc quelque temps avant que je susse ce que c’était que Guignol…
» Enfin un hasard, je ne sais plus lequel, m’amena à cette découverte : que Guignol était une marionnette originaire de Lyon, moderne, ne ressemblant à aucune autre, ni par le langage ni par le costume, — l’incarnation grotesque de l’ouvrier en soieries appelé canut.
- L’homme qui, dans un temps aussi troublé que le nôtre
et aussi dévoré de soucis industriels, a la puissance de créer une marionnette et de l’imposer à son époque, cet homme-là me paraît aussi fort que Prométhée. Songez-y donc : une marionnette, une marionnette nouvelle ! au xix c siècle…
»… Cet homme s’est trouvé cependant… Il s’appelait Mourguet ; il était enfant du peuple, colporteur, marchand de chansons… »
En passant, Charles Monselet venge Landerneau, Quimper-Corentin ou Carpentras de leur renom comique.
« Des villes comiques comme cela !… — s’écrie-t-il, — donnez-m’en beaucoup !… »
Il a écrit encore sur Bordeaux la valeur d’un volume et refait l’historique le plus fidèle de son Grand-Théâtre.
Le hasard — ou tout autre guide — le conduisant à Lille, il ressuscite son poète populaire François Cottignies, dit Brûle-Majon : à Boulogne-sur-Mer, c’est Frédéric Sauvage, l’inventeur de l’hélice ; à Sens, le sculpteur Jean Cousin ; à Rouen, le cordonnier Adrien Pasquier, qu’il met tour à tour en lumière, — cet Adrien Pasquier qui a consacré toute sa vie à écrire un Dictionnaire historique et critique des hommes illustres de la Normandie.
Traversant Strasbourg enfin, Charles Monselet a chanté Gambrinus, le roi de la bière.
C’est un flâneur incomparable, curieux, attentif aux moindres choses, mais sans cesse tourmenté, inquiet, l’esprit hanté