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Page:Monselet - Charles Monselet, sa vie, son œuvre, 1892.djvu/241

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SA VIE, SON ŒUVRE

du Parnasse satirique du xixe siècle et du Théâtre de la rue de la Santé (Erotikon Theatron)… »


L’Italie a également attiré notre écrivain ; il y revient tant et plus, décrivant ses propres aventures, ses dîners, ses rencontres : il semble entendre alors l’abbé Galiani contant ses voyages à la marquise d’Épinay.

Voici une jolie page — qui peut être considérée comme une préface — où l’auteur a résumé sa manière de voyager et expliqué les raisons qui le poussent à rendre compte de ses moindres pas :


« … Allons au hasard ; c’est la meilleure manière de voir et de s’instruire ; errons à travers l’inconnu ; que tout devienne pour moi conquête et révélation. Sterne et Henri Heine n’ont jamais voyagé autrement ; ils s’arrêtaient sur les ponts, sous les auvents des boutiques ; ils restaient bouche béante devant une enseigne, une cage, une fenêtre, une robe enflée par le vent. Ils oubliaient l’histoire, qui ne les oubliera pas, eux. Ils étaient personnels, rien que personnels, tantôt avec un abandon réel et une grâce ignorante d’elle-même, d’autres fois avec un ardent vouloir d’esprit ; et par là ils ont bien effrayé les innocents flâneurs à leur suite, les naïfs chasseurs d’imprévu. Pour ma part, leur souvenir m’arrête court toutes les fois qu’oubliant le lecteur, invisible et solennelle pluralité ! je me sens prêt à laisser flotter les rênes sur les pacifiques coursiers de ma rêverie. Personnel ! et de quel droit ? par quel titre ? Essayez donc de causer avec un sansonnet ou de vous attendrir sur un marchand de tartelettes, avant d’avoir écrit le Voyage sentimental ! Osez parler de la couleur de vos pantoufles et de vos souffrances d’amour sans avoir signé l’Intermezzo et les Aveux d’un poète !

» Ah ! j’ai fréquemment et bien méchamment regretté, je m’en accuse, que ces deux charmants esprits (à qui il a manqué si peu de chose pour être de tendres âmes) fussent