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Page:Monselet - Charles Monselet, sa vie, son œuvre, 1892.djvu/283

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XVI

Beaucoup ont raconté Charles Monselet intime qui l’avaient en réalité peu connu.

C’est que cet homme, accueillant et souriant au dehors, s’isolait chez lui au point de barricader sa porte, défendant énergiquement son home contre l’envahisseur. — Montrez patte blanche, ou je n’ouvrirai pas ! La raison en était dans la façon de travailler de l’écrivain.

Il est peu d’hommes de lettres qui n’aient leurs manies, ou plutôt leurs procédés particuliers pour s’exciter au travail. Monselet, lui, qui le croirait à voir cette fécondité, avait le travail lent et pénible, avec cela très irrégulier : il ne connaissait ni jour ni nuit, lisant, écrivant, se couchant et se levant par intervalles, sans aucune règle.

Aussi adorait-il la solitude qui lui rendait son libre arbitre.

Se contentant de peu pour lui-même, n’accordant nulle importance au confort qui a pris une telle place dans nos mœurs, pas plus qu’au mobilier d’ailleurs ni aux choses d’art : cet adroit fureteur n’était pas un amateur de bibelots, non par manque de goût, mais la passion des livres l’avait absorbé en entier. Même sa bibliothèque comportait très peu de belles reliures et d’éditions de luxe.

Quand Mme Charles Monselet essaya, avec les qualités inhérentes à la femme, d’apporter de l’ordre, du goût, de la méthode dans cette existence à la diable, ce fut toute une histoire, Monselet étant le désordre même : la première bonne qui se présenta au seuil de son cabinet de travail,