Tu l’avais bien compris, l’objet de mes tristesses,
Et, pour mettre le comble à ton menu vainqueur.
Tu sus y joindre, ami, dans tes délicatesses,
Le canard aux navets, ce chemin de mon cœur !
… Nul, mieux que Monselet enfin, ne fut reçu de façon plus cordiale ni plus intime dans la maison de Victor Hugo dont il était un des hôtes assidus : lui-même, d’ailleurs, a pris soin de conter cette longue et affectueuse liaison avec le maître.
« … Mes relations avec Victor Hugo, écrit-il, ont été tardives ; elles datent d’après la guerre, alors qu’il demeurait rue Pigalle ; elles ne se sont plus interrompues qu’à sa mort. J’avais écrit sur lui à diverses reprises ; il me répondit, comme il faisait toujours, avec son imperturbable politesse. J’en pris texte pour aller le voir, il me retint. De là, ces petits billets que je reçus pendant dix ans, ces petites boutades en quelques lignes, qui font penser à Voltaire écrivant à Bernard.
»… On ne se doute pas des trésors d’affectuosité que renfermait ce grand esprit lorsqu’il consentait à se livrer… Il s’abandonnait alors à une causerie familière. Le rire était plus facile qu’on n’aurait cru. Sans avoir la plaisanterie grasse (la suprême distinction de sa nature s’y opposait), il aimait le badinage, à la façon des lettrés du xviiie siècle. Dirai-je qu’il trouvait en moi un modeste partenaire ! Je n’aurai pas cette prétention ; mais je ne saurais oublier quelle complaisance il apportait à me le laisser croire, et avec quelle bonne grâce il me renvoyait le volant sur une raquette ayant évidemment appartenu à Diderot ou à Collé.
» … Puis l’intimité se forme, les billets ne sont plus cérémonieusement signés en toutes lettres :
La table des jeudis vous a espéré hier. Vous absent, le rayon manque.
Je vous aime tout de même et nous vous espérons jeudi prochain.