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SA VIE, SON ŒUVRE

époque : on le retrouve, brillant causeur, spirituel convive, à la table de Sainte-Beuve, de Paul Lacroix, — à la bibliothèque de l’Arsenal, — de Victor Hugo et de Mme Blanc, de Monaco, cette femme d’esprit qui sut être aussi une femme de bien : — encore aux dîners des Spartiates, présidés par Arsène Houssaye, de la Pomme et de la Cigale, etc.

« Oui, Charles Monselet aimait la table, ainsi que l’a écrit M. L.-P. Laforêt (Événement, 21 mai 1888), mais point comme on se l’imaginait :

« Ce qu’il aimait surtout, c’était la disposition d’esprit que des convives choisis apportent toujours au dîner ou au souper qui les réunissent. On est là, prêt à se dégager des soucis, des banalités, des misères de ce bas monde ; on fait trêve aux amertumes, aux mécomptes, aux mauvais sentiments qui, dans les luttes de la vie, vous obsèdent et vous énervent. Monselet, qui était doux et bon, qui avait l’épanouissement facile, prenait grand plaisir à voir sous cet aspect ses confrères et ses camarades, leur journée faite. »

Voici des vers adressés à Jules Vallès, rencontré à Londres quelques années après la Commune, qui attestent de la simplicité de goût de leur auteur :


                   À UN COMPATRIOTE

Il ne sera pas dit, âme douce et chagrine,
Par une autre âme sœur retrouvée en passant.
Que je ne t’aurai pas, au nom de la cuisine,
Saluée en mes vers d’un mot reconnaissant.

Grâce à toi, j’ai dîné dans ce Londres maussade,
De mon premier dîner absolument humain.
Encore un jour de plus, j’allais tomber malade ;
Sur le bord d’un rosbif tu m’as tendu la main.

Frère, tu m’as rendu l’honnête soupe grasse.
L’antique pot-au-feu, ce mets national,
Agrémenté pour moi de ce qui fait la grâce :
Du poireau verdoyant et du chou triomphal.