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SA VIE, SON ŒUVRE

Ah ! le feuilleton d’alors ! c’était la portion du journal réservée exclusivement à la littérature — et elle fut longtemps à habiter ce rez-de-chaussée sans pouvoir s’élever au premier étage, où trônaient la politique, sous forme de bulletiû, la correspondance étrangère, les faits divers, etc… Le roman faisait encore bonne figure aux fenêtres de ce rezde-chaussée, ouvertes toutes grandes pour lui ; mais le véritable feuilleton, c’est-à-dire la Revue de la semaine, la causerie familière, le conte moral ou la nouvelle plaisante, l’actualité, l’article bibliographique, y montrait à peine le bout de son nez, après avoir écarté le rideau — une fois la semaine : — - encore s’y disputait-on les places. Feuilletoniste à son tour, Charles Monselet peut donner un libre cours à sa fantaisie. Tantôt, sous le pseudonyme L. de T…, ou sous celui de Jean de Bordeaux, il brode d’agréables variations sur les faits de la semaine, écrit des revues de Paris comme s’il y était ; tantôt il consacre un long feuilleton en vers aux Burgraves de Victor Hugo :


… — La scène représente un burg ; — un vieux château
Sombre, — où le lichen croît, — trempant ses pieds dans l’eau
Comme fait la sarcelle, — et dressant dans les nues
Ses tours, pics effrayants, sur les roches chenues.
C’est dans ce noir manoir, veuf de six cents hivers,
Qu’ont vingt fois sillonné la foudre et les éclairs,
C’est dans ce sauvage antre, au fond de ce burg grave
Qu’habite avec ses fils un célèbre Burgrave —
Job l’excommunié, redoutable en son temps ;
Front chauve et barbe blanche, — âgé de cent sept ans ;
Burgrave du Taunus, prince du Saint-Empire,
Bourguemestre de Trêve, et baron de Vormspire,
Landgrave de Hampschadt, chevalier d’Oldenbourg,
Duc de Phalsbourg-Hapsbourg, et comte de Fribourg… —

                   (Feuilleton du Courrier de la Gironde, 21 mars 1843.)


Parfois il se contente d’une poignée de rimes badines pour annoncer un acte de Théophile Gautier :