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SA VIE, SON ŒUVRE


c’est la rue Victoire-Américaine, avec sa double rangée de maisons uniformes et fières : ce sont des rues aux noms plus bizarres les uns que les autres : la rue des Trois-Canards, la rue Maucoudinat, la rue Tombe-Toly, la rue Arnaud-Miqueu, la rue Cache-Cocu (aujourd’hui rue Sainte-Eugénie), la rue du Grand-Cancéra et la rue du Petit-Cancéra, la rue de la Grande-Taupe et la rue de la Petite-Taupe, la place Colombe, le chemin de Terre-Nègre, la rue Coupe-Gorge, — derrière le cimetière de la Chartreuse. Horreur !

» Ce sont les allées d’Amour, terminées d’une façon si romantique par le porche de Saint-Seurin, les allées d’Amour, qui me disent : « Ingrat ! n’auras-tu pas un mot pour nous dans ta nomenclature ? Nous t’avons vu bien souvent, en une certaine année où tu semblais prendre à tache de justifier notre nom ; tu passais régulièrement à la même heure, entre chien et loup ; tu te dirigeais vers la rue des Religieuses, puis tu revenais sur tes pas, lentement, tournant la tête, t’arrêtant jusqu’à ce qu’un bruit de feuilles réveillées t’annonçât la présence de la personne attendue. Pour nous avoir oubliées, il faut que tu aies trouvé à Paris d’autres allées d’Amour… « 


Dans Monsieur de Cupidon (Histoire de Mademoiselle Jeunesse) c’est une peinture sans rivale des grisettes de l’époque :

« Je ne vous dirai pas ce que les grisettes de Bordeaux ont de plus que les autres. Partout la femme ressemble à la femme ; c’est le même patron qui a servi pour l’ancien et le nouveau monde. Qu’il vous suffise de savoir qu’elles sont jolies comme les plus jolies, spirituelles comme les plus spirituelles, — au point que ce sont elles qui deviennent plus tard les véritables Parisiennes.

» Elles sont petites et bien prises. Elles sont brunes, comme presque toutes les femmes du Midi, avec des yeux et des cils longs de cela, et des cheveux à profusion.

» En outre de leur coiffure, qui est d’un lâché ravissant, elles ont une manière irréprochable de se vêtir. De même que la Pari-