Espartero faisait parler de lui en Espagne. L’Afrique perpétuait
notre réputation de bravoure. Le ciel, qui bénit les
grandes familles, s’appliquait à bénir la famille des Arago.
L’opposition était toute-puissante ; on était de l’opposition ou
l’on n’était pas de l’opposition, tout était là ; si l’on en
était, ou risquait d’aller loin. Chateaubriaud vivait toujours ;
on avait même donné son nom à un beefsteack. Des
épiciers qui s’appelaient Gratteboullard ou Miton-Mitaine
étaient furieux de voir aux affaires M. de Lamartine. Le
Figaro d’alors était intitulé le Corsaire-Satan, et, quoique très
lu, ne faisait pas ses frais. Une fois par an, à la fête du roi, on
distribuait gratuitement des saucissons ; c’était ainsi que l’on
comprenait l’amélioration du sort du peuple. Le marché aux
comédiens se tenait sous les arbres du Palais-Royal. Les
romances de Loïsa Puget résumaient toute la poésie pour une
partie de la bourgeoisie de la France. Vidocq avait une
agence de renseignements particuliers dans le passage
Vivienne. L’éléphant en plâtre de la place de la Bastille tombait
en poussière. On vendait du vin à quatre sous dans les cabarets.
Le boulevard du Temple battait son plein. À la hauteur
de la rue de la Michodière, il y avait des Bains Chinois avec
des magots en bois colorié sur des piédestaux. Asnières était
presque ignoré. Au coin de la rue Drouot, une enseigne
annonçait une table d’hôte tenue par Mlle Thiers, sœur du
président du conseil des ministres. Comme il faut à toute
époque un refrain populaire en manière de scie, la scie
d’alors était les Larifla, et tout le monde chantait sur l’air
des Larifla :
Dans la gendarmerie
Quand un gendarme rit,
Tous les gendarmes rient
Dans la gendarmerie ;
Larifla, lia, fia, etc., etc.