Jeudi 2 juillet. — Je vais à l’Époque, dans les bureaux de Laquelle je me prodigue en pure perte. Je donne une poignée de main à Solar et j’entrevois la silhouette de Granier de Cassagnac : un gros homme brun, à figure, à tournure et à parole communes.
Il est à remarquer que tous les grands hommes sont de gros hommes pour la plupart. Je serai un gros homme.
Décidément Paris est désert. Aussi je ne m’ennuierais plus autant si je revenais en province. Console-toi donc, mon ami, d’ignorer les merveilles de la rue Montmartre et du passage Colbert. Ce qu’il y a de beau seulement, c’est, que l’existence y est d’un bon marché phénoménal. Si je n’étais pas un monsieur à tant aimer mes aises, j’y pourrais, je crois, loger, manger et boire à vingt sous par jour.
Vendredi, 3 juillet 1846. — G***, qui vient me chercher, m’entraîne de vive force chez M. Francisco Fernandez de la Rodella, directeur du Panthéon des Artistes. C’est un jeuue homme que j’ai connu à Bordeaux, et qui, ne payant pas ses rédacteurs, a le bon goût de ne pas m’inviter à en faire partie.
De là, je tombe chez Taxile Delord, avec une lettre de recommandation. M. Delord est un beau garçon, brun et Marseillais — et gros. Il me reçoit avec affabilité et me demande pour le lendemain un article au Charivari.
Samedi. — Je paie mon logement à l’hôtel — vingt francs pour quinze jours — et je vais m’installer chez les M***, rue du Faubourg-Saint-Denis, no 8, au quatrième.
Dimanche, 5 juillet. — Promenade sur le boulevard des Italiens. Ah çà, mais Paris vole indignement sa réputation. On ne m’a pas encore pris ma montre. Je soupçonne que je suis dans un faux Paris.
Lundi. — Je lis les nouvelles politiques et je brosse, pour le