Cette lettre commençait ainsi :
Ma chère Manon, — vous êtes plus que jamais à l’ordre du jour, à Paris ; vous continuez à faire école ; on ne rencontre à chaque pas que des jeunes filles, jolies comme vous, engageantes comme vous, et qui ne font qu un saut du wagon provincial (le coche n’existe plus) dans le coupé parisien. Elles se font voir au bois de Boulogne avec M. de B…, — à la comédie avec M. de G… M… père, — au restaurant avec M. de G… M… fils, ce qui leur laisse moins de temps qu’à vous pour demeurer cachée avec des Grieux.
Vous avez déjà plusieurs questions sur les lèvres, ma chère Manon. La première, naturellement, est : « Sont-elles jolies ? »
Sont-elles jolies ? Je le crois bien ! Jolies malgré tout et en dépit de tout. Elles n’ont rien à envier sous ce rapport au XVIIIe siècle : ce sont les mêmes petites mains, les mêmes petits pieds, la même petite bouche. Moreau le Jeune, et Binet, le dessinateur de la Paysanne pervertie, prendraient plaisir à retrousser ce nez, à poteler cette joue, à ourler cette oreille, à mettre une grâce là, une lutinerie ici. On n’est en droit de reprocher à leur physionomie qu’un peu de froideur voulue, — reflet des importations britanniques, mais impuissant à effacer la marque parisienne.
Leur toilette (vous redoublez d’attention, chère amie), bien que d’ordre composite, comme notre architecture, comme notre musique, comme notre