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CURIOSITÉS LITTÉRAIRES

vec quelques menues concessions on peut faire son chemin honnêtement.

Il est installé dans un joli cabinet de travail, clair, riant, dont les fenêtres ouvrent sur les arbres et sur le soleil, confortablement meublé, orné de fleurs renouvelées chaque matin. Le jour, il écrit ; il a renoncé à ce travail fiévreux de la nuit qui use le cerveau et détruit le corps. Le soir, il fréquente les salons, il va au cercle. Il a vaincu sa timidité native ; ce n’est plus cet adolescent farouche, tout de noir habillé ; c’est presque un jeune homme élégant, et de bonne mine dans tous les cas. — Chatterton engraisse.

Sur ces entrefaites, une belle et riche lady, blonde comme le lin, vaporeuse à souhait, vient à le rencontrer dans un bal. Elle s’éprend de lui ; et, comme elle est libre, indépendante, elle l’épouse à la face des Trois-Royaumes. Voilà Chatterton opulent, grand seigneur ; Chatterton propriétaire d’un hôtel splendide, ayant carrosses et valets, sans compter les châteaux aux environs de Londres ; Chatterton courant les chasses à grand bruit dans ses propres forêts !

C’est au tour des libraires à venir ramper à ses pieds ; mais lord Chatterton n’a plus rien de commun avec ces gens-là, et il les fait chasser