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Page:Monselet - Fréron, 1864.djvu/114

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longtemps le type du polémiste, cette chose nouvelle, ce métier nouveau, si utile, si indispensable et si périlleux. Il a fait un journal qui a duré trente ans. Or, en critique, l’important est de durer. Fréron a duré malgré tout le monde, malgré ses amis et malgré ses ennemis, malgré le cachot et malgré la censure, malgré le For-l’Évêque et malgré Ferney. Il a eu le temps et la force, non pas cette force qui se manifeste de loin en loin et à son heure, mais la force de tous les jours, la force toujours prête, qui s’attend à tout. Avant lui, personne n’avait eu autant de courage ni un aussi long courage. Il a su même avoir le courage du silence quand il l’a fallu. Ce qui augmente aussi son prestige, c’est qu’il apparaît seul au milieu de son Année littéraire, comme un roi absolu. Pendant que les rédacteurs se succédaient au Mercure, lui restait inamovible. Je ne veux pas le surfaire : je sais très-bien qu’il ne prend pas son point de vue de très-haut ; que ce qui l’empêchera de vivre, c’est le défaut de chaleur, c’est le manque d’enthousiasme.