des joueurs chacun se taisait ; seul Philippe Beyle continuait de parler et de railler.
— Tenez ! dit Irénée en le lui désignant du doigt ; regardez : voilà l’homme dont vous voulez sauver la vie ! voilà l’homme à qui vous avez tout sacrifié ! Savez-vous ce qu’il fait là, publiquement, hautement ?
— Irénée ! vous me rendez tremblante.
— Il vous joue, vous, Marianna ; il vous joue avec le premier venu, contre la première chose venue ! Vous êtes l’enjeu de cette partie qui se débat sous vingt regards !
— Ah ! cela n’est pas vrai !
— Vous ne me croyez pas ? Attendez donc, et écoutez !
Presque au même instant, Philippe élevait la voix et disait à son jeune adversaire :
— La fortune vous favorise, monsieur ; encore quelques coups de cartes, et la Marianna sera décidément à vous…
Un cri surhumain se fit entendre. C’était Marianna qui s’évanouissait et tombait sur l’herbe. Tout le monde s’élança hors du pavillon, Philippe Beyle le premier.
— Infâme ! trois fois infâme ! lui cria Irénée dans le paroxysme de l’égarement.
— On se jeta entre eux, tandis que quelques personnes transportaient Marianna à l’hôtel.
À la même heure, Mme la marquise de Pressigny rentrait dans son appartement. Elle renvoya sa femme de chambre plus tôt que de coutume, mit le verrou à la porte et ferma soigneusement les lourds rideaux de la fenêtre. Toutes ces précautions prises, elle ouvrit d’une main frémissante d’impatience le coffret que M. Blanchard lui avait remis à l’issue du concert. Elle en retira d’abord un parchemin, couvert de signes particuliers, et qu’elle parcourut rapidement, d’un air de satisfaction triomphante.