et trop peu de personnes ont exploré ce côté de notre pays pour que nous ne nous croyions pas obligé d’en retracer quelques aspects principaux. Cette chaîne de dunes qui borde la côte de Gascogne se déroule pendant soixante et quinze lieues. Pendant soixante et quinze lieues, c’est-à-dire depuis l’embouchure de la Gironde jusqu’à celle de l’Adour, de la tour de Cordouan à la baie de Saint-Jean-de-Luz, le sable entasse et multiplie ses Alpes blêmes, pétries par les pluies, sculptées par l’orage et durcies par le soleil. C’est un autre océan à côté de l’Océan ; ce sont des vagues pétrifiées à côté de vagues vivantes.
Autrefois, des villes s’élevaient à la place des masses infécondes ; une multitude de ports découpaient cette côte, à présent si redoutée, et ouvraient un accès facile aux navigateurs. Toutes ces anses ont été comblées par une invasion de sable, invasion lente, mais constante, mais implacable et dont l’origine remonte à plus de trois mille ans ; invasion plus effrayante, plus terrible dans ses effets que la flamme et la guerre, puisqu’elle supprime jusqu’au lieu même du désastre !
Autrefois, à cet endroit où la vague roule son écume et sa plainte, se dressaient les massives forteresses des célèbres capitaux de Buch, ces sinistres guerriers dont la légende appelle depuis longtemps un poète. Sous ce tombeau mobile, Mimizan florissait au moyen âge ; Anchise faisait un commerce considérable. Tout a péri par l’invasion.
À la pointe de Grave, rongée sans relâche par l’Atlantique, les marins aperçoivent distinctement au fond des eaux, par un temps clair, des remparts et des tours : ce sont les restes de l’antique Noviomagum. D’autres cités rappellent le sort de Pompéi ; tel est le Vieux-Soulac, dont l’église, enterrée à mi-corps, continue d’élever, en signe de détresse, son clocher abandonné.
On croirait lire des ballades, d’invraisemblables traditions. Ce déluge de sable, qui s’avance et qui monte, pareil à l’autre déluge, cet empiétement patient et continu, ce fléau devant lequel reculent incessamment les générations, cette disparition graduelle des cités, des seigneuries, des hameaux ; cet envahissement sans bruit d’un pays jadis populeux et riche, tout cela