Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/125

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— En attendant, murmura M. Blanchard, songez à votre défense personnelle, car vous m’inquiétez réellement.

— Ma défense ?… Vous avez raison… dit-il machinalement.

— Avez-vous le coup d’œil juste ?

— Oui.

— Le poignet assuré ?

— Très assuré.

— Allons, tout se passera bien. Heureusement que ce n’est pas avec le moral que l’on tire ; sans cela je vous regarderais comme un homme mort.

Irénée de Trémeleu sourit sans répondre. On était enfin parvenu dans une espèce de plaine, d’une étendue suffisante, couleur café au lait, et protégée contre le vent par quelques escarpements de terrain où poussaient des touffes de genêts hautes d’un à deux mètres.

De là, on ne voyait ni le bassin d’Arcachon ni la mer ; l’œil était emprisonné par les dunes environnantes, au sommet desquelles apparaissaient quelquefois des chevaux sauvages, effarés, et qui rebroussaient aussitôt chemin.

Nous avons dit quel ciel gris et funèbre il y avait. À terre, on remarquait sur divers points des traces noires, des traces de charbon ; c’étaient les restes de quelques feux de bruyères allumés sans doute par des naufragés. Il fut décidé que le duel aurait lieu à cette place. Philippe Beyle regarda autour de lui et dit :

— Ce paysage a furieusement le spleen.

Les préliminaires ne pouvaient être longs ; M. Blanchard et Péché ayant l’un et l’autre mesuré le terrain, les deux adversaires furent placés à trente pas. Chacun avait la faculté d’avancer de cinq pas, ce qui restreignait la distance à vingt. Le sort devait décider qui des deux tirerait le premier. Le sort décida que ce serait Philippe Beyle. Il reçut l’arme des mains de M. Blanchard. De son côté, Irénée de Trémeleu s’était mis en position. Alors les témoins s’éloignèrent, et il se fit ce silence solennel