Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/157

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Il ne fit pas attention à l’air de réserve et de mystère qu’elle affectait, et l’engageant à s’approcher :

— Eh bien, as-tu réussi ? Cette lettre, tu me l’apportes ?

— Ah ! monsieur le comte, combien j’ai de regret de m’être chargée d’une pareille commission !

— Oui, oui, je sais ; ton honnêteté…

— D’abord ! Et puis ensuite la peine que j’ai eue.

— Mais enfin, tu tiens la lettre ?

— Figurez-vous, continua Fanny, que madame l’avait serrée dans son secrétaire, lequel ne ressemble pas du tout aux autres secrétaires. Comment croyez-vous que s’ouvre celui-là ?

— Un ressort…

— Un ressort, juste ! mais, allez donc deviner ! J’ai eu beau épier madame soir et matin, impossible de découvrir ce diable de ressort. Comment auriez-vous fait, vous, dans ce cas ?

Le comte frappa du pied avec impatience. La petite bonne n’accorda aucune attention à ce mouvement. Elle continua :

— Vous allez voir comment je m’y suis prise, moi.

— Voyons ?

— Puisque je ne pouvais pas attaquer le secrétaire par devant, je résolus de l’attaquer par derrière. Je l’ai donc bravement retourné, hier, pendant que madame était à la promenade, et, tant bien que mal, je suis parvenue à détacher deux planches.

— Très bien !

— Je ne vous raconte pas mes frayeurs…

— C’est inutile.

— Non plus quelles réflexions que je fis dans ce moment, car vous avouerez avec moi que je jouais alors gros jeu ; mais le désir de vous satisfaire…

— Après, après ?

— Un peu de sang-froid, monsieur le comte ; si vous saviez tout ce qu’il m’en a fallu, à moi ; vous ne vous en ferez jamais une idée !

— Je m’en doute, dit le comte en rassemblant tous ses efforts pour se contenir ; mais tu as probablement fini par mettre la main sur cette lettre ?