— Parbleu ! il n’aurait plus manqué que j’eusse fait ce beau remue-ménage pour rien.
— Alors, donne vite, dit-il.
— Minute ! s’écria-t-elle ; vous rappelez-vous ce que vous m’aviez promis ?
Le comte d’Ingrande se frappa le front.
— Il fallait donc m’en faire souvenir plus tôt, dit-il.
Et, ouvrant un tiroir qui était à sa portée, il y prit une poignée de pièces de cinq francs, qu’il mit dans la main de la domestique.
— Là ! dit-il, avec un accent qui semblait signifier : Es-tu contente maintenant ?
Mais Fanny ne bougea pas, et, restant la main ouverte ;
— Combien y a-t-il ? demanda-t-elle.
— Ma foi, je ne sais pas, répondit le comte, un peu surpris ; quarante ou cinquante francs, je crois…
Fanny posa tranquillement l’argent sur la table.
— Ce n’est pas assez, dit-elle.
— Oh ! oh ! fit le comte en la regardant ; ce sont des conditions nouvelles que vous voulez m’imposer, mademoiselle ?
— Comme vous dites.
— Il me semblait cependant, ajouta-t-il de plus en plus étonné, que nous étions convenus d’un prix.
— C’est vrai, monsieur le comte, mais c’est qu’avant notre convention je n’avais pas lu la lettre dont il s’agit.
— Et maintenant ?
— Maintenant, dit Fanny, je l’ai lue.
Le comte d’Ingrande demeura muet. Son front se plissa ; on s’apercevait aisément qu’un combat se livrait entre sa dignité et sa curiosité.
— Ah ! tu as lu cette lettre, murmura-t-il ; et… c’est… donc bien important ?
— Si important que je me suis juré, pour tout le reste de ma vie, de ne jamais plus me charger de pareilles commissions.
— Combien veux-tu ? demanda brièvement le comte.
— Deux mille francs.
À ces mots nettement articulés, il eut un brusque haut-le-corps.
— Hein ? fit-il comme s’il n’avait pas entendu.