Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/162

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pris une décision : j’allai chez Charles.

« Je viens te faire une proposition, lui dis-je.

— Laquelle ?

— Nos situations sont égales, nos espérances sont communes.

— C’est vrai.

— Le ministre signe demain la nomination de l’un de nous, et, franchement, je ne lui crois pas de préférence.

— Moi non plus.

— Veux-tu que le sort décide avant lui ?

— Comment cela ? dit Charles.

— Nous allons jeter une pièce en l’air ; celui dont elle trompera l’attente en tombant se retirera du débat et signera généreusement une abdication de ses prétentions.

— Et puis ?

— Le reste est facile à deviner. Celui qui se présentera demain matin au lever du ministre avec le désistement de son concurrent dans la poche, celui-là est certain d’emporter la place d’assaut. Qu’en dis-tu ?

— Oui, c’est une idée, fit Charles, mais…

— Mais quoi ?

— Je n’ai guère de bonheur au jeu, dit-il en riant.

— Bah ! j’en ai, moi, depuis trop longtemps pour ne pas être sur le point de commencer à perdre.

— Allons, tu me tentes : jette la pièce en l’air, je demande face. »

« La pièce tomba pile. La fortune était pour moi, mon cher Léopold, et jusque-là mon historiette n’a rien que d’heureux. Mais le reste ! le reste ! J’emportai le renoncement de Charles de N…, qu’il signa, je dois l’avouer, avec l’empressement le plus cordial. Ma journée s’acheva en courses dernières, en démarches suprêmes par lesquelles j’assurai mon triomphe du lendemain. Le soir fut consacré à Pandore.

« J’ai l’habitude excellente, même à travers mes effusions, de ne jamais entretenir les femmes de mes affaires. Il faut croire néanmoins que mon visage rayonnant parla pour moi ce soir-là, car Pandore m’accabla de questions auxquelles je ne pus me dispenser de répondre par quelques explications brèves, mais suffisantes pour lui faire partager mon contentement et mes espérances. Elle voulut que nous soupassions ensemble, chez elle, seuls tous les deux. J’avais l’esprit trop en fête pour lui refuser quelque chose. Pandore fut adorable ; je ne l’avais jamais vue ainsi, c’est-à-dire si brillante et si bonne à la fois. Notre causerie se prolongea fort tard ; je me plaisais à voir se succéder les heures dorées et rapides. Cependant, malgré les efforts qu’elle fit pour me retenir, je rentai chez moi, d’où