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Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/173

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perçoit mille visions spontanées, tantôt monstrueuses, tantôt simplement absurdes. Chez Philippe Beyle, par exemple, il se produisit un cas tout à fait surprenant. Penché à cette fenêtre, les yeux perdus dans un vide noir, il sentit tout à coup s’effacer en lui le sentiment du vol qui semblait devoir l’absorber exclusivement. À la place, comme un de ces flamboyants lointains qu’entrouvrent les éclairs, il revit les paysages de la Teste-de-Buch, la forêt et l’immense bassin avec sa blafarde ceinture de dunes. Tout cela passa sous ses yeux et s’évanouit au même instant, le laissant aveuglé et comme hébété.

Lorsqu’il eut reconquis l’exercice de ses facultés, il sonna son domestique. La simple et grosse figure d’un homme de la campagne s’encadra dans la porte.

— Monsieur a sonné ?

Philippe le regarda fixement ; mais ne lisant aucune émotion sur cette placide physionomie, il haussa les épaules. Le domestique attendit.

— Vous vous êtes absenté aujourd’hui, Jean ? demanda Philippe.

— Oui, monsieur.

— Pendant combien de temps ?

— Toute l’après-midi. Monsieur doit se rappeler qu’il m’en avait donné la permission.

— C’est vrai. Savez-vous si quelqu’un est venu pour me voir lorsque vous étiez sorti ?

— La concierge n’a vu personne.

Philippe fit silencieusement deux ou trois tours dans la chambre ; au quatrième, il congédia du geste le domestique. Il était redevenu parfaitement maître de lui-même.

— Je suis volé, dit-il ; c’est bien. De pareils événements arrivent tous les jours, et il n’y a pas là de quoi ameuter le quartier. D’ailleurs, c’est ma faut ; on ne garde pas chez soi naïvement soixante-huit ou soixante-dix billets de mille francs, entre une douzaine de cravates et des lettres de femme. Je n’ai que ce que je mérite. Maintenant, par qui suis-je volé ?