Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/22

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s’emparèrent de tout son corps ; et la douleur, un instant domptée par une incroyable énergie morale et physique, reconquit brutalement ses droits sur elle. Comme un vent rapide, la décomposition s’abattit sur son visage et en détruisit immédiatement l’intelligence ; les doigts se roidirent et s’écartèrent ; la bouche s’entrouvrit, pareille à un ressort qui se détend ; un frisson courut dans les pieds, et la vie se retira de cette pauvre femme.

Quelques instant après, le monsieur au coupé reprenait la route de Saint-Denis. Tout se passa dans les formes accoutumées. Il instruisit l’autorité judiciaire du drame dont il avait été le témoin trop tardif ; mais il tint secrètes les promesses faites à la mourante, et son premier soin fut de déposer en lieu sûr la cassette qu’elle lui avait remise. Le surlendemain, les journaux contenaient l’article suivant :

Encore un de ces événements épouvantables et mystérieux dont les environs de Paris semblent avoir depuis quelque temps le funeste monopole ! Dans la nuit du 10 au 11, la dame Abadie, habitant sur sa propriété, aux environs d’Écouen, a été victime, elle et sa domestique, d’un horrible assassinat dont les auteurs sont, jusqu’à présent, demeurés inconnus. On suppose que la cupidité seule a été le mobile de ce double meurtre, qui fait actuellement le sujet de toutes les conversations de l’arrondissement, où Mme Abadie était généralement aimée et estimée.

La justice s’est transportée immédiatement sur les lieux et a procédé à un commencement d’enquête. Il résulte des faits que les meurtriers, surpris par quelque bruits du dehors, ont abandonné la moitié de leur butin ; on a constaté la soustraction d’un grand nombre d’objets de valeur et de la presque totalité de l’argenterie. Les papiers seuls, parmi lesquels se trouvait le testament de la défunte, ont été respectés, ce qui tend à écarter tout soupçon de vengeance particulière.

La dame Abadie passait pour être beaucoup plus riche qu’elle ne l’était en réalité ; cette réputation elle la devait à quelques relations élevées qu’elle avait toujours su entretenir,