Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/23

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on ne sait comment, dans certains salons parisiens. Il était permis de s’en étonner, car le passé de Mme Abadie n’avait pas toujours été à l’abri de la médisance ; douée d’une beauté peu commune et d’un grand fonds d’esprit naturel, elle avait joué un rôle autrefois, mais ce rôle n’était pas de ceux qui ouvrent les portes du monde aristocratique. Quelques personnes, ses contemporains, s’obstinaient à reconnaître en elle une de ces déesses de la Raison que le fanatisme révolutionnaire promena jadis publiquement dans les rues. Sous le Directoire, Mme Abadie, qui a toujours eu la rare privilège de rencontrer, sinon l’oubli, du moins l’indulgence, brilla un instant à côté des femmes les plus à la mode.

Elle avait été mariée deux fois ; les tribunaux de la Restauration ont eu à retenir de ses débats conjugaux.

Dans ces dernières années, Mme Abadie semblait avoir pris à tâche de faire oublier, par des pratiques charitables et pieuses, ce que sa renommée avait eu d’un peu scandaleux. Elle y avait presque complètement réussi, et nul doute qu’elle ne se fût éteinte dans le silence dans la catastrophe qui a si brusquement mis fin à ses jours. L’enquête a révélé qu’elle venait d’achever ses soixante et dix-huit ans ; le meilleur observateur ne lui en aurait pas donné plus de soixante-cinq.</poem>