Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/223

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nous y serons plus à l’abri du brouillard. Tu disais donc, Amélie, que, selon toi, le moyen de tout arranger, c’était…

— De me marier, oui, mon père.

— Mais quel rapport y a-t-il entre ton mariage et mes affaires ?

— Comment ! vous ne comprenez pas ?

— Pas du tout, répondit le comte.

— Vous allez voir. Oh ! je suis plus réfléchie que ma mère ne veut le dire.

— Malepeste ! je le crois bien.

— Malgré ma répugnance pour les chiffres, j’ai interrogé ma bonne tante de Pressigny, et j’ai su d’elle que j’ava is une dot personnelle de cinq cent mille francs…

— Oui, cinq cent mille francs qui te viennent de ton oncle, mon frère défunt, oui, ma fille ; le chiffre est de toute exactitude. C’est excellente marquise !

— C’est beaucoup… c’est trop pour moi. J’ai des goûts simples ; ma mère m’y a habituée depuis longtemps.

— Où veux-tu en venir ?

Amélie hésita un peu, puis dit :

— À ceci, mon père : prenez ma dot, et mariez-moi selon mon gré.

Le comte d’Ingrande eut un mouvement ; dans l’ombre, il serra les mains de sa fille. Cette offre, à laquelle il ne s’était pas attendu, lui fit sentir plus vivement alors les reproches de sa conscience. Ses devoirs de père de famille lui apparurent dans toute leur sainteté, et il ne trouva à leur opposer que l’inutilité de sa vie. Une larme se fit jour sous l’endurcissement du plaisir. Il fut d’autant plus touché par le sacrifice d’Amélie que ce sacrifice l’absolvait en partie d’une coupable préméditation.

— Allons, pensa-t-il, l’innocence est encore plus forte que la diplomatie.

Pendant quelques secondes, le père et la fille se turent. Leur émotion les empêcha d’entendre le bruit d’une fenêtre qu’on ouvrait au deuxième étage. Il reprit le premier, en dissimulant son émotion :