— Je le connais ?
— Oui. C’est même à vous que je dois de l’avoir vu…
— Bah ! dit le comte avec une feinte bonhomie, à moi ?
— À vous, mon père.
—Approchons-nous un peu plus de ce bosquet ; les arbres nous protégeront mieux contre le froid. La terre est glacée ici.
Il reprit :
— Comment l’appelles-tu donc, ce jeune homme… ce jeune homme que tu aimes… car tu l’aimes, n’est-ce pas ?
— Oh oui ! mon père, et je n’aimerai jamais que lui.
— C’est le mot de toutes les jeunes filles. Son nom ?
— Est-ce que vous ne l’avez pas déjà deviné ?
— Ma foi ! j’ai beau chercher, je…
— C’est M. Philippe Beyle.
Tout à coup le massif auprès duquel ils se trouvaient s’agita et Philippe, s’élançant, vint presque se prosterner devant la jeune fille. Il ne faut pas trop railler ces situations, quoiqu’elles rappellent certains tableaux d’opéra-comique. La nature, en de suprêmes occasions, n’a pas deux manières de s’exprimer.
— Oh ! mademoiselle ! il serait possible !… s’écria Philippe.
Il n’en put dire davantage. Amélie, épouvantée et confuse, se cacha dans les bras de son père.
— C’était donc une trahison ?… murmura-t-elle.
— Non, ma fille, je l’atteste, dit le comte.
Mentalement il ajouta :
— Ma foi, si l’innocence est plus forte que la diplomatie, le hasard est encore plus habile que l’innocence.
En ce moment, l’intérieur de l’hôtel retentit d’un tumulte qui arriva jusqu’à l’oreille de nos trois personnages. Des flambeaux parurent sur le perron. Thérèse accourut, la figure bouleversée :
— Partez vite, monsieur le comte, partez !
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Madame la comtesse a entendu du bruit, elle a eu des soupçons, elle a appelé mademoiselle, elle m’a appelée… je n’ai