Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/25

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médire aujourd’hui, qu’est due la révélation de la Teste. On se rappelle sans doute la faveur qui accueillit les idées de défrichement vers le milieu du règne de Louis-Philippe. Tous les départements se couvrirent de compagnies agricoles ; on défrichait, défrichait, défrichait… Entre autres, la compagnie d’Arcachon fit merveille : elle créa des prairies, des fourneaux, et un matin elle attacha à l’un des faubourgs de Bordeaux deux lignes de fer parallèles, qui entraînèrent la population à travers un pays jusqu’alors inconnu.

Pays fantastique, morne et légendaire !

Une terre brute, couverte de ronces et de brandes ; des marais immenses, parsemés de loin en loin de pins d’une hauteur prodigieuse ; puis tous à coup des taillis épais où, derrière les chênes et les arbousiers, s’entendent les rauques plaintes des loups ; çà et là, une vieille auberge aux fenêtres fermées, à la porte entrouverte ; des oies sauvages, des cigognes, des hérons ; une rivière sinueuse et qui passe sans bruit entre ses marges plates ; des villages déserts, qui s’appellent Toquetoucauld, la Croix-Ilhins, Cantaranne, Biganos ; de temps en temps la fumée d’une usine ; puis, lorsqu’on approche de la Teste, tout un horizon de prés salés où l’on voit par centaines des tentes de pêcheurs et des filets tendus, qui brillent au soleil comme, par une belle matinée d’automne, brillent dans les champs les toiles légères des araignées !

Disons-le toutefois : malgré la création de ce chemin de fer, la renommée des bains de la Teste n’a pas dépassé les limites du département de la Gironde. Il ne faut pas trop déplorer cette indifférence de la foule ; laissons les gens se bousculer au Havre de Grâce, et gardons pour nous ce coin de terre sur lequel la mode n’a pas encore arrêté son lorgnon. La poésie qu’on y respire est celle qui comprime le cœur, élève la pensée, sollicite même les larmes, et qui fait fuir à toutes jambes les personnes venues là pour s’amuser.

Là, en effet, aucun de ces contrastes embusqués au détour des chemins, contrastes si fréquents sur les côtes de la Normandie, où les fermes les plus attrayantes verdoient à quelques pas des falaises les plus sinistres. À la Teste-de-Buch (et comme ce vieux nom dur et noir est en harmonie avec la contrée !),