Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/26

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tout est uniforme : de la mer, du sable et des pins. Avec ces trois choses, Dieu a créé là des chefs-d’œuvre de solennité et de mélancolie, des forêts sombres qui s’étendent à perte de vue, des dunes que le vent rebrousse et déplace ; enfin, un immense lac, effrayant de majesté, et qui semble rappeler les grottes de l’Écosse. C’est le bassin d’Arcachon.

Le bassin d’Arcachon, dont la passe est fort dangereuse, présente un des plus beaux coups d’œil du monde. C’était pour jouir de ce coup d’œil que deux sœurs, Mme la comtesse d’Ingrande et Mme la marquise de Pressigny, avaient loué depuis quelques mois une maison sur la plage. Cette maison était située sur la côte sud du bassin et adossée à la grande forêt de la Teste. Tout y était disposé pour le bien-être et contre les atteintes de la chaleur ; la majeure partie des chambres donnait sur une terrasse carrelée et couverte. Les deux sœurs, femmes du plus haut monde, vivaient là dans une retraite absolue, environnées de quatre domestiques.

Un matin du mois d’août 1843, trois semaines après l’évènement que nous venons de raconter, la comtesse d’Ingrande, sa fille Amélie et la marquise de Pressigny, brodaient auprès d’une fenêtre de leur salon, lorsque la femme de chambre entra, tenant à la main une carte de visite.

— Qu’est-ce qu’il y a, Thérèse ? demanda la comtesse d’Ingrande, sans se retourner.

— Madame, c’est encore la carte de ce même monsieur qui depuis trois jours sollicite l’honneur de présenter ses respects à mesdames.

Mme d’Ingrande tendit le bras et prit la carte de visite. On y lisait ce seul nom : Blanchard. Point d’armoiries, aucune qualification.

— C’est bien, dit Mme d’Ingrande après avoir jeté la carte sur une console.

— Que faut-il répondre à ce monsieur ? dit la femme de chambre.

— Qu’est-ce que vous lui avez répondu hier ?

— Que mesdames étaient souffrantes.

— Et avant-hier ?