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Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/264

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pensa qu’après la police et la compagnie de Jésus, il y avait une troisième place à prendre, et cette place, elle la prit. Ses relations s’accrurent en tous lieux, dans la magistrature, dans la finance, au théâtre, plus haut et plus bas encore. Ce fut la Franc-maçonnerie des femmes qui donna au trône Mme de Maintenon, la marquise de Pompadour et la comtesse du Barry ; elle compta dans ses rangs Mlle de Lespinasse, Sophie Arnould, la chevalière d’Éon, Mlle d’Oliva. Une des grandes-maîtresses fut la femme du comte de Cagliostro ; les séances se tenaient alors rue Verte, dans le faubourg Saint-Honoré.

Sous la Révolution, la Franc-maçonnerie des femmes, quoiqu’un peu dispersée par la chute de la noblesse, put encore se compter dans les réunions chez Catherine Théo, réunions tolérées par Robespierre ; dans les clubs exclusivement féminins, présidés par Rose Lacombe ; même dans les galeries de la Convention, où les mains de quelques tricoteuses échangeaient quelquefois en silence des signes mystérieux. Elle se reconstitua sous l’Empire et y acquit une nouvelle force, à laquelle les expéditions militaires laissèrent un libre essor à l’intérieur. Il existe encore des femmes, et nous en connaissons pour notre part, qui ont appartenu à la loge Caroline, une des plus importantes et surtout des plus influentes d’alors.

On ne sera pas étonné de voir se perpétuer la Franc-maçonnerie des femmes jusque sous le règne peu légendaire de Louis-Philippe. Son action y a été lente et peu mesurée, mais son autorité est demeurée la même. Cette ligue est encore aussi vivace de nos jours qu’il y a deux siècles ; une période véhémente la rejetterait immanquablement dans un milieu d’action et de direction. En attendant, elle se contente d’exercer son pouvoir dans les limites de la vie privée, où, par elle, s’expliqueraient en partie bien des élévations et bien des chutes, bien des réputations et bien des fortunes. Elle est comme un souterrain dans la société, ou bien encore comme un autre conseil des Dix, moins les masques, les bravi et les Plombs. Le conseil des Dix entre les mains des femmes ! Il y a de quoi réfléchir.