Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/284

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Comment s’y serait-il pris pour définir le genre d’outrage auquel, dans un incroyable accès de folie, il s’était laissé emporter lors de sa dernière entrevue avec elle ? Il y a des torts envers une maîtresse dont rien ne vous lave, même aux yeux d’une femme légitime. L’outrage fait à Marianna était de ce nombre.

Il faut placer ici une observation, toute à l’honneur d’un sexe trop calomnié : c’est qu’une femme ressent plus vivement l’affront fait à une autre femme qu’un homme ne ressent l’affront fait à un autre homme. Se confesser à Amélie eût donc été pour Philippe une faute et un danger. D’ailleurs, cette confession n’aurait pas garanti Amélie des atteintes de sa rivale.

— Ces atteintes seront sans pitié, pensait-il ; le Dies irœ de l’autre jour n’était qu’un prélude. Je puis juger de ce qu’elle fera par ce qu’elle a fait. Après m’avoir frappé lorsque j’étais seul, quel plaisir n’aura-t-elle pas à me frapper, maintenant que mon bonheur offre deux places à ses coups ! Elle passera par le cœur d’Amélie pour arriver plus douloureusement au mien. Ah ! Marianna ! l’éclair de votre colère ne mentait pas, et, tôt ou tard, la foudre devait le suivre !

Telles furent les réflexions de Philippe Beyle en quittant Amélie. Il allait au hasard ; sa pensée avait besoin d’air et de mouvement. C’était une chose nouvelle pour lui de se voir sur le point d’engager une lutte sérieuse avec une femme. Aussi l’étonnement n’entrait-il pas pour peu de chose dans la foule de ses craintes. De plus, il se trouvait secrètement humilié. Son humiliation était d’autant plus grande que, dans cette lutte, il ne se sentait pas le plus fort. Il savait que Marianna disposait de moyens étranges et puissants, de ressources mystérieuses. Il se rappelait les paroles qu’elle lui avait jetées dans le délire de ses supplications ; et à travers ces paroles il avait cru comprendre qu’elle était aidée dans sa vengeance par d’autres femmes.