réserve et la sympathie se fondaient dans les nuances d’une suprême distinction :
— Le sens de vos inquiétudes est peut-être plus aisé à pénétrer que vous ne le supposez vous-même. Voulez-vous que je vous aie deviné ?
Philippe hésita.
— Pas encore, lui dit-il, en le remerciant avec un sourire contraint.
— Comme vous voudrez. J’aurais mis avec plaisir mon peu d’expérience à votre disposition. Vous m’épargnez le rôle de radoteur ; c’est encore moi qui suis votre obligé.
— Oh ! monsieur Blanchard ! votre perspicacité se trouve ici en défaut.
— Comment donc ?
— Moi qui, depuis quelques minutes, ne songe qu’au moyen de vous demander un service !
— Un service ?
— Oui, monsieur Blanchard.
— À propos de quoi ?
— À propos… de musique, si vous voulez.
— De musique, soit. Je me mets complètement à vos ordres.
— C’est une idée que j’ai eue, ou plutôt que je viens d’avoir tout à l’heure, presque à l’instant, dit Philippe.
— Ah ! ah !
— Vous avez été en Russie ?
— C’est à cause de mes fourrures que vous me dites cela.
— Non !
— Je suis allé partout.
— Et, sans doute, continua Philippe, vous avez conservé des relations à Saint-Pétersbourg ?
— Beaucoup.
— Alors vous devez connaître le général Guédéonoff.
— Quel général Guédéonoff ?
— Celui qui est spécialement chargé, de recruter des comédiens pour le théâtre de l’empereur Nicolas.
— D’abord il n’est pas général.
— Bah !
— Il n’a même jamais été militaire.