Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/290

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— N’importe. Connaissez-vous M. Guédéonoff ?

— Parfaitement ; c’est un des plus fins limiers artistiques que je sache ; il flaire un premier sujet à plus de cent lieues.

— J’ai entendu vanter en effet ses facultés spéciales, dit Philippe.

— Guédéonoff eût fait au dix-huitième siècle le plus habile et le plus spirituel sergent de gardes françaises qui ait jamais glissé une plume entre les mains d’un villageois, en lui promettant toutes les déesses du paganisme. Mais autre temps ! Aujourd’hui il se contente d’enrôler à des prix fabuleux les amoureux du Gymnase qui n’ont pas encore de ventre (car il y a un tarif pour les amoureux comme pour les jockeys), et d’expédier de temps en temps pour la Néva quelques minorités tournoyantes, tourbillonnantes, et ballonnantes qu’il enlève à l’Académie royale de musique.

— Je sais cela ; et en vous demandant si vous connaissez M. Guédéonoff, je désire seulement apprendre si vous le connaissez intimement.

— Très intimement !

— Si vous avez du crédit auprès de lui.

— Je le crois bien. Nous avons couru ensemble plus d’une fois la voix de tête et le rond de jambe.

— Ainsi, il écoute votre jugement.

— Il le consulte, affirma M. Blanchard, il y a six mois, je lui ai fait engager un éléphant.

— Diable ! dit Philippe en riant ; je vois qu’il a beaucoup de considération pour vous. J’aurais, moi aussi, à attirer l’attention de M. Guédéonoff sur quelqu’un… mais ce n’est pas sur un éléphant.

— Cela ne fait rien.

— Je voudrais user de votre influence pour lui recommander, ou plutôt pour lui signaler… une femme.

— Une femme, monsieur Beyle ?

— Oui, une jeune femme.

— Bien entendu !

— D’un talent hors ligne et d’une beauté célèbre.

Giselle ou Norma ?