Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oh ! je n’ignore pas que l’on me trouve fantasque, souvent même ridicule ; tandis que je suis la logique et la simplicité incarnées.

— Cependant, monsieur Blanchard, un homme qui ne sait pas où il demeure, bien qu’il jouisse d’une grande fortune…

— Ressemble, selon vous, à un fou ?

— À un excentrique, tout au plus.

— Rassurez-vous, monsieur Beyle, je ne suis pas absolument sans feu ni lieu, comme un excommunié du Moyen Âge.

— Vous habitez probablement quelque mystérieuse bonbonnière cachée par vos ancêtres sous des guirlandes de roses et des touffes de chèvrefeuille, entourée de pièges à loups, défendue par des broussailles de fer, au fond du faubourg Saint-Germain, et par-delà les Missions-Étrangères. Je vous approuve, certes.

— Non. Mes ancêtres, puisque vous daignez réveiller ces dignes personnages, m’ont légué, en effet, trois ou quatre maisons ; du moins, c’est ce que prétend mon notaire, qui les fait gérer pour moi ; je ne sais pas même dans quels faubourgs, dans quelles rues, sont situés ces immeubles ; et Dieu me garde de la pensée d’en habiter un seul !

— Vous préférez nos grands et somptueux hôtels, leur opulent confort ?

— Encore moins ! s’écria M. Blanchard ; moi, loger à présent dans un hôtel ! me livrer à des personnes étrangères, à des serrures inconnues ! reposer entre les planches d’un lit qui a fourni sa vénale hospitalité à toutes les émigrations ! être exposé la nuit à me réveiller au bruit qui se fait sur ma tête ou sous mes pieds ! Monsieur Beyle, vous n’y pensez pas.

— Monsieur Blanchard, il faut pourtant bien demeurer chez soi ou chez autrui. Il n’y a pas de milieu, dites-vous ; eh bien ! j’ai trouvé un milieu, moi !

— Je dois vous croire, mais ma surprise…

— Hâtez seulement un peu le pas.

— Soit, dit Philippe.

— Avant cinq minutes, selon votre désir, vous allez voir où je demeure… aujourd’hui.