Il s’agissait de pénétrer ce plan.
Les moyens matériels ne faisaient pas défaut à Marianna : elle était riche. Elle pouvait avoir sa police, elle l’eut. Elle voulut savoir jour par jour, heure par heure, quel avait été l’emploi du temps de la marquise de Pressigny depuis leur premier entretien : un rapport circonstancié, et tel qu’elle le désirait, lui fut adressé. Dans ce rapport, son esprit ne fut frappé que d’une chose : le voyage à Épernay. Ce fut à saisir les causes de ce voyage que Marianna appliqua immédiatement toutes ses facultés. Elle y parvint. À première vue, cela peut paraître difficile ; mais qu’est-ce qui ne paraît pas difficile à première vue ?
On se rappelle, si du moins on ne le sait par cœur, le conte de Voltaire où le philosophe Zadig, se promenant auprès d’un petit bois, est accosté par le grand-veneur, qui lui demande s’il n’a point vu passer le cheval du roi.
— C’est, répondit Zadig, le cheval qui galope le mieux : il a cinq pieds de haut, le sabot fort petit ; les bossettes de son mors sont d’or à vingt-trois carats ; ses fers sont d’argent à onze deniers.
— Quel chemin a-t-il pris ? où est-il !
— Je ne l’ai point vu et je n’en ai jamais entendu parler, répondit Zadig.
Zadig disait vrai. Conduit devant ses juges, voici comment il s’expliqua :
— Vous saurez que, me promenant dans les routes de ce bois, j’ai aperçu les marques des fers d’un cheval ; elles étaient toutes à égale distance. « Voilà, ai-je dit, un cheval qui a un galop parfait. » J’ai vu sous les arbres, qui formaient un berceau de cinq pieds de haut, les feuilles des branches nouvellement tombées ; j’ai reconnu ainsi que ce cheval y avait touché, et que, par conséquent, il avait cinq pieds de haut. Quant à son mors, il est d’or à vingt-trois carats, car il en a frotté les fossettes contre une pierre que j’ai reconnu être une pierre de touche et dont j’ai fait l’essai.
Ce fut par une suite d’inductions pareilles à celles de Zadig que Marianna réussit à percer le mystère du voyage de la marquise.