Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/318

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— Non, mais je peux le devenir.

— Comment cela ?

— Cela dépend de vous, Amélie.

— De moi ?

— Vous n’avez qu’à me cacher une seule de vos démarches.

— Ah ! dit la jeune femme, qui devint pensive.

— Est-ce que cela vous fait réfléchir ?

— Oui.

— Si j’en juge par votre physionomie, vos réflexions sont d’un ordre bien mélancolique.

— En effet ; je pensais, pour la première fois, à votre autorité, aux droits que vous donne sur moi le mariage.

— Amélie, vous raillez, j’imagine.

— Un prévenu raille-t-il devant le juge d’instruction ?

— Ah ! voilà une méchante parole. Quoi ! ma sollicitude deviendrait à vos yeux de la défiance, ma tendresse une inquisition ! Vous n’y songez pas, Amélie. Depuis quand deux époux se sont-ils interdit les confidences ?

— Depuis que ces confidences ne pouvaient servir à l’un d’eux que pour contrôler d’absurdes renseignements.

— Que voulez-vous dire ?

— Qu’il est étrange à vous, Philippe, de m’interroger sur des choses que vous savez déjà. Quant à celles que vous ignorez, les personnes qui m’ont rencontrée vous les apprendront peut-être. Mais ne comptez pas sur moi pour cela.

Quelque chose de l’air et de l’autorité de Mme d’Ingrande avait passé dans ces paroles. Philippe le remarqua et il devint sombre.

— Ainsi, dit-il, dès aujourd’hui vous établissez la possibilité d’un mystère entre nous deux ?

— Jamais je ne vous ferai un mystère de ce qui ne concernera que moi.

— Vous avez des formules qui sentent tout à fait la diplomatie, chère amie. Rédigeons notre traité en termes meilleurs. Que me direz-vous et que ne me direz-vous pas ?

— Mon devoir est de tout vous dire, Philippe ; mais est-il de votre dignité de tout demander ?