— Philippe…
— Fixez un délai, quel qu’il soit, je ne vous en demande pas davantage ; mais, ce délai expiré, songez que vous devrez tout me dire.
Amélie se recueillit ; c’était pour rassembler ses forces, pour faire un appel désespéré à son courage.
— Jamais ! murmura-t-elle d’une voix à peine intelligible.
— Quoi ? pas même dans deux ans… dans dix ans ?
— Non.
Philippe jeta sur elle le premier regard qui ne fût pas un regard d’amour. Et frappant le tapis du talon de sa botte :
— La lutte, toujours la lutte ! s’écria-t-il ; oh ! quelle destinée est la mienne !
Il étendit la main vers un cordon de sonnette qu’il agita. Jean parut.
— Monsieur a sonné ?
— Les chevaux de poste sont-ils prêts ?
— Oui, monsieur.
— Vous vous disposerez à partir avec moi, Jean.
— Bientôt ?
— Dans une heure.
— Je suis au service de monsieur, répondit le valet de chambre.
— Allez !
Jean sortit. Amélie avait suivi cette scène et entendu ce dialogue, d’un air effaré.
— Des chevaux de poste ? dit-elle ; partir ? vous voulez partir, Philippe ?
— Dans une heure, dit Philippe Beyle.
— C’est impossible ! c’est pour me torturer que vous imaginez ce départ.
— Au contraire : c’est pour vous mettre en possession immédiate de cette liberté que vous chérissez par-dessus tout.
— Ma liberté ? dit-elle avec effroi.
— Dans une heure, vous n’aurez plus à redouter cette sollicitude qui a failli devenir du despotisme.