ferme appui d’une société secrète, contre laquelle il serait le premier à invoquer l’application de la loi s’il en soupçonnait seulement l’existence.
À quelque distance de Mme Ferrand, sur les gradins supérieurs, s’agite ou plutôt se trémousse une négresse vêtue à la mode parisienne. C’est Élisa, dite Ébène ; elle était encore, il y a trois ans, dans une sucrerie de la Martinique ; aujourd’hui, elle est marquise ; son maître, M. de Champ-Lagarde, l’a épousée. Voici dans quelles circonstances et à quelle occasion cet étrange hymen s’est accompli.
Raoul de Champ-Lagarde était de haute et vieille noblesse ; il avait des frères investis des premières charges à la cour, des premiers grades à l’armée, des plus hautes dignités de l’église. Ses trois sœurs devaient tôt ou tard contracter des alliances illustres. Par une exception que ses vices précoces lui avaient d’ailleurs méritée, Raoul, dès sa jeunesse, se vit relégué dans les colonies, sous le prétexte d’administrer des propriétés considérables. De même que l’on place les poudrières à l’écart des villes, de même on envoie quelquefois au-delà des mers la noblesse trop prématurément corrompue.
La rancune de Raoul contre sa famille, devait dater de cet exil. Il acheva de se dépraver à la Martinique, où il compromit ses biens et devint un fléau pour les indigènes. Brave comme une épée, sanguinaire comme le maréchal de Retz, goguenard et laid à donner le frisson, il se fit une renommée de tyranneau qui retentit jusqu’en Europe, à Paris, et jusque dans le cabinet du roi des Français. Ce fut Raoul qui, le premier, osa publier dans un journal cet avis :
« M. le marquis de Champ-Lagarde prévient le public que ses heures de combat sont changées depuis le 15 courant. Voici le nouvel