Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/377

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d’arrêt qu’Amélie réussit à prononcer l’effrayante formule.

Marianna demeurait haletante. Son espoir était sur le point d’être déçu. Où Amélie avait-elle puisé tant de résolution, et comment se faisait-il qu’avec son éducation sévère qu’elle n’eût pas reculé devant la perspective d’un faux serment ? C’était bien simple pourtant, et Marianna avait tort de s’étonner. Après le sacrifice fait à Philippe Beyle, Amélie était capable de tous les sacrifices. Elle n’était entrée dans la Franc-maçonnerie des femmes que pour le protéger contre la vengeance de Marianna (car Mme de Pressigny lui avait appris tout ce qu’il fallait qu’elle sût) ; pouvait-elle hésiter à trahir la Franc-maçonnerie dès qu’il s’agissait une seconde fois du salut de son mari ?

Et puis, ce qui la soutenait dans cette lutte entre sa loyauté et son amour, ce qui la soutenait et ce qui aurait dû la perdre cependant, c’était le regard de Marianna. Sous ce regard où veillait le soupçon, Amélie sentait se révolter en elle tout ce qu’il y avait d’indignation et de fierté. La vue de cette femme qui venait si audacieusement lui disputer la vie de son époux, après avoir vainement cherché à lui disputer son cœur, lui donnait une énergie nouvelle et la protégeait contre ses propres faiblesses. Les principales formalités de sa réception allaient être remplies.

La grande-maîtresse s’adressa à l’assemblée :

— Quelqu’une de vous, mes sœurs, exige-t-elle, selon une des clauses de nos statuts, qu’une autre forme de serment soit imposée à l’initiée ?

Marianna fit deux pas en avant, et d’une voix ferme :

— Moi ! dit-elle.

Une légère rumeur passa sur l’assemblée. La grande-maîtresse elle-même pâlit sous son masque d’impassibilité.

— Quel serment exige notre sœur conductrice ? demanda-t-elle.