Philippe consulta la pendule et dit :
— Il faut que dans deux heures ma femme soit chez moi.
— Sur qui comptez-vous pour cela ?
— Sur vous, premièrement, et, à votre défaut…
— À mon défaut, sur le procureur du roi, n’est-ce pas ? C’est là ce que vous voulez dire !
— Non, madame ; je sais que, par vos relations, vous pouvez jusqu’à un certain point échapper à une instruction dirigée contre vous.
— Par mes relations ? répéta Marianna.
— Tenez, jouons cartes sur table. Il existe en plein Paris, au temps où nous vivons, une association de femmes assez folles pour oser mettre leur volonté ou plutôt leurs fantaisies en opposition avec la loi. Amélie est aujourd’hui l’une des victimes de ce tribunal inique.
— Mais quel rapport ?…
— Aucun, si vous voulez. Supposons que je vous raconte un rêve. Eh bien, je vous dis, moi : c’est par votre instigation qu’Amélie est détenue arbitrairement, c’est par votre instigation qu’il faut qu’elle soit rendue à la liberté.
Marianna se tut, comme fatiguée par cet entretien.
— J’ai voulu faire appel à votre raison, reprit Philippe ; maintenant, que les malheurs qui vont arriver retombent sur votre tête ! Ce n’est pas vous seule que je vais atteindre, c’est la Franc-maçonnerie des femmes tout entière.
— La Franc-maçonnerie des femmes ! répéta-t-elle en ayant de la peine à cacher la joie que lui causait cet aveu.
— Oui, s’écria Philippe, c’est-à-dire une ligue coupable, une dérision, une monstruosité ! Ne croyez pas que je menace en vain. Vous me connaissez ; je vais jusqu’au bout de mes projets. Je dénoncerai la Franc-maçonnerie des femmes. Je ne la dénoncerai pas à un procureur du roi ; j’irai plus haut. Un secrétaire général du ministre des affaires étrangères n’est pas le premier venu ; on l’écoute, on m’écoutera. Je montrerai les plus grands noms compromis avec les noms de la borne et du bouge. Tous ces noms me sont connus, j’en ai la liste. Mon plan de campagne est dressé : je vais cerner le lieu de vos réunions