— Vous voyez, dit le vieux monsieur en s’adressant à ses compagnons ; il s’exprime fort bien ; l’aliénation n’est que partielle ; peut-être même n’y a-t-il que manie. Le traitement le plus simple est celui qui conviendra le mieux.
En ce moment, un petit vieillard pâle, les yeux hagards, les vêtements en désordre, se précipita dans l’enceinte où stationnait la voiture de M. Blanchard.
— À moi, ma garde ! mes gentilshommes ! mon épée ! donnez-moi mon épée ! s’écriait ce malheureux.
Deux robustes garçons, qu’à leur costume on pouvait reconnaître pour des infirmiers, suivaient de près le petit vieillard. L’un d’eux tenait un treillis de lin ou chemise de force, sous laquelle il s’apprêtait à le prendre comme un poisson dans un filet.
— Ah ! vous qui êtes roi comme moi, mon frère ! dit le vieillard, faites-moi justice !
— Pourquoi tout ce tapage ? demanda le personnage à la décoration.
— Monsieur le directeur, répondit l’un des infirmiers en soulevant sa casquette, nous avons beau lui promettre qu’on lui rendra ses États, il ne veut pas recevoir sa douche.
— Monsieur le maréchal, et vous, Monsieur le grand chancelier, allez replacer mon frère sur le trône qui lui appartient ! dit solennellement celui qu’on venait qualifier du titre de directeur.
— Ah ! s’écria le petit vieillard ivre d’orgueil et de joie ; le jour de la justice est donc enfin venu ! À cheval, messieurs, à cheval ! Tu, tu, tu, ru, ru, tu ! Hop !
Il marcha en triomphateur devant les deux infirmiers. M. Blanchard avait suivi cette scène d’un regard plein de stupéfaction.
— Messieurs, dit-il enfin avec un accent courtois, mais légèrement ému, seriez-vous assez bons à votre tour pour m’apprendre à quelle distance de Paris je me trouve ?
— Vous êtes à cinq kilomètres environ de la barrière du Trône.
— Je crois avoir compris, poursuivit-il en descendant de son marchepied, je suis à Charenton.