Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/442

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— Silence, Philippe ! un pareil mot dans votre bouche est imprudent.

Il sourit avec dédain.

— Je ne crains rien, madame ; et je vous dis hautement que c’est votre franc-maçonnerie qui a tué ma femme.

— Oh ! taisez-vous, ou je finirais par douter de votre raison.

— Ce ne doit pas être cependant la première fois que les remords s’éveillent en vous. Quelquefois l’image d’Amélie a dû vous apparaître pour vous accuser, sinon pour vous maudire.

— De quoi m’accuserait-elle ? murmura la marquise.

— N’est-ce pas vous qui, abusant de votre autorité, l’avez entraînée dans l’antre ignominieux où elle devait trouver la mort ?

— Philippe, vous oubliez que vous parlez chez moi.

— Et de quel nom voulez-vous que j’appelle le lieu où, dans une confusion détestable d’idées et d’intérêts, les anges du foyer se rencontrent avec les larves de la rue ? Quoi ! songer sans effroi qu’à de certaines heures les femmes les plus intelligentes et les plus délicates, les divinités de la famille, les muses des entretiens aimables et élevés, désertent leur salon et deviennent, dans une communauté de sentiments, les égales de ces créatures dont le nom est une fanfare et la vie un scandale ! Allons, madame, n’essayez pas de défendre un lien aussi honteux.

— Je l’essayerai pourtant, répondit la marquise ; en entrant dans le lieu de nos réunions, on cesse d’être une individualité. Interdisez-vous l’entrée de vos temples aux Madeleines et aux Ninons ? Croyez-vous vos femmes et vos sœurs déshonorées parce qu’à la porte d’une chapelle l’eau bénite leur aura été offerte par une pécheresse ? Non ; eh bien ! les œuvres que nous accomplissons dans notre ordre sont assez méritoires pour nous purifier de tout contact fangeux.

— Pas d’équivoque, madame : ou vous êtes avec la société, ou vous êtes contre la société.

— Nous sommes avec les faibles contre les forts ; nous sommes avec les victimes contre les oppresseurs.

— Orgueil et mensonge ! dit Philippe ; la justice est avec le droit dans l’encrier du procureur, la force est avec la loi dans