les bras du juge ; quiconque invoque l’un ou l’autre est certain d’être entendu. Hors de ces pouvoirs, il n’y a de force que dans l’arme du crime, il n’y a de justice que dans les associations ténébreuses : l’épée de Marianna et les arrêts de la Franc-maçonnerie des femmes !
— Vous allez trop loin, monsieur, dit la marquise de Pressigny.
— Voilà votre force et votre justice ! Toutes deux sont admirables. Et vous, qui avez osé vous attribuer la part la plus haute de cette effrayante responsabilité, êtes-vous donc bien en garde contre votre conscience ? Ne se révolte-t-elle donc jamais contre les trames que vous autorisez, contre les actes qui se font en votre nom ? Grande-maîtresse de la Franc-maçonnerie, c’est un beau titre, en effet ; il est dommage qu’il soit obscurci par une tache de sang.
— Assez, Philippe ! dit-elle.
— Laissez donc ! la Franc-maçonnerie des femmes n’a pas rien que des juges ; il lui faut aussi des sbires et des bourreaux ; c’est un grand corps organisé ; je vous en fais mon compliment.
— Monsieur, répondit la marquise offensée, il n’y a que vous de coupable en tout ceci ; vous qui avez toujours manqué de générosité, de grandeur et d’élan ; vous qui avez impitoyablement arraché à la pauvre Amélie l’aveu d’un serment auquel elle n’avait consenti que pour vous protéger.
— Me protéger ?
— Vous le savez bien. Vous avez eu dans votre jeunesse un de ces attachements que le monde excuse quand il est dénoué loyalement : il pouvait laisser des regrets d’une part, mais il ne devait pas laisser de haine. Pourquoi donc Marianna vous a-t-elle haï ? Parce que vous avez été sans pitié pour elle.
— J’étais jeune, madame ; voilà mon excuse, répondit Philippe Beyle.
— Et quand donc doit-on être bon et loyal, si ce n’est quand on est jeune ?
Il garda le silence.
— Ce fut pour vous préserver de cette juste haine, reprit la marquise de Pressigny, que votre femme entra dans la société