c’était le souvenir de son entretien avec Irénée de Trémeleu, vis-à-vis de qui l’amour-propre l’avait porté à répondre de la destinée de Marianna. Homme de vanité, il se trouvait lié par cet engagement qu’il maudissait plusieurs fois le jour. Il était bien résolu à ne pas quitter cette femme ; mais tout ce qu’on peut faire pour qu’une femme vous quitte, il le fit. Hélas ! ses indifférences, ses dégoûts, ses violences même, eurent un résultat inattendu. Marianna n’était amoureuse de Philippe ; elle en devint affolée. De maîtresse elle tomba au rang d’esclave. Il fut vaincu et se résigna, n’attendant plus sa liberté que du hasard.
Après l’expiration de l’engagement à Covent-Garden, la volonté de l’éditeur de musique appela la Marianna à Bruxelles pour y donner quelques représentations. Elle était alors très fatiguée. Philippe Beyle l’accompagna avec la mélancolie machinale d’un mari. Il continua à Bruxelles la vie qu’il avait menée à Londres ; des trois, des quatre jours se passaient sans qu’il parût chez Marianna. On lui connut des intrigues, et il poussa même l’impudence jusqu’à se montrer au théâtre, en loge, avec ses nouvelles conquêtes. Des conquêtes ! Il n’y a que la rhétorique française pour consacrer ces jolies façons de dire. Pendant ce temps-là, les pleurs et les veilles passées dans l’attente achevaient de détruire les forces de Marianna.
Elle fut sifflée un soir. Philippe, qui assistait précisément au spectacle, en galante et joyeuse société, ne put se défendre d’une émotion pénible ; il saisit un prétexte et sortit de la loge. La première personne avec laquelle il se trouva face à face dans le corridor fut Irénée. Celui-ci, très pâle, mais impassible, le regarda au front et passa devant lui sans le saluer. Philippe froissa ses gants, et alla chercher de l’air dans la rue… Le même soir, après la représentation, comme Marianna le