Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/76

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en elle, il ne trouva qu’une femme aimante et paisible. À peine s’il put la décider à souper deux ou trois fois en compagnie de quelques-uns de ses amis.

— Autant vaudrait m’être épris d’une bourgeoise ! pensait-il en la regardant à son piano, d’où rien ne pouvait la détacher pendant de longues heures.

Marianna avait, en effet, la sérénité de la confiance. L’idée d’une trahison lui semblait inadmissible, car elle jugeait du cœur de Philippe d’après le sien, cercle vicieux où se laissent tomber la plupart des femmes. N’avait-elle pas tout sacrifié pour lui, même sa première et sa meilleure tendresse ? Et pouvait-il ne pas avoir sans cesse présente à la mémoire l’importance de ce sacrifice ? Ces réflexions, qu’elle n’avait faites qu’une fois, avaient suffi pour assurer son repos. Il lui fallut bien cependant s’apercevoir du désappointement de Philippe Beyle et du refroidissement qui en fut la suite. Mais cette cruelle lumière ne lui arriva que lentement, et pour ainsi dire rayon par rayon. Dès lors, tout ce qu’avait souffert Irénée, elle commença à le souffrir à son tour. Son talent se ressentit de cette épreuve ; sa voix s’altéra, son jeu perdit en certitude et en autorité.

Alarmé, l’éditeur de musique accourut chez elle, l’accablant de doléances et de reproches, l’accusant d’ingratitude, allant plus loin encore, et voulant rechercher dans sa vie privée les causes de ce commencement de décadence. La rougeur au front, Marianna se tourna vers Philippe Beyle, comme pour lui demander de la soustraire à de tels outrages. Mais Philippe Beyle n’était pas assez riche pour payer une rançon et briser ainsi cette tutelle cynique. Il se contenta du seul moyen qui fût en son pouvoir, lequel moyen consistait à saisir l’éditeur-négrier par les épaules, à le pousser véhémentement vers la porte, et à lui faire descendre sur les reins une majeure partie de l’escalier. Mauvaises raisons, après tout. Dans ces conditions nouvelles, le bonheur ne devait plus trouver que peu de place entre Philippe et Marianna.

Le seul motif qui empêchât Philippe de rompre ouvertement,