— Loin de vous aimer, il vous hait, continua Irénée. Vous lui pesez, vous lui êtes à charge !
— Je le sais, dit-elle.
— Alors, pourquoi voulez-vous qu’il vive ?
— Parce que je l’aime.
Irénée la regarda longuement et tristement. Tout son sang, toute son âme, tous ses souvenirs, toutes ses espérances, il les mit dans les paroles suivantes :
— Vous commencez à vivre, Marianna ; vous ne savez pas ce que c’est qu’une affection mal placée, vous ignorez l’influence qu’une première erreur de ce genre exerce sur tout l’avenir. Écoutez-moi et croyez-moi : cet homme est mauvais, je vous le répète ; je le sais par moi-même, je le sais par d’autres. Laissez Dieu décider de son sort.
— Vous êtes cruel, Irénée.
— Non, je ne suis que juste.
— Vous êtes personnel, alors ; c’est votre amour-propre que vous voulez venger ; c’est une satisfaction que vous voulez tirer de cette rencontre.
Irénée haussa les épaules.
— Vous me serez reconnaissante plus tard de ce que je vais faire pour vous, lui dit-il.
— Reconnaissante de la mort de Philippe ? Parlez-vous sérieusement, ou n’est-ce qu’une plaisanterie atroce ? Vous avez nommé Dieu tout à l’heure ; Dieu n’a besoin de personne pour tenir sa place. Et puis, Philippe n’est pas tel qu’on le dit et que j’ai pu le dire moi-même dans un instant de dépit. Je le connais mieux que vous, il me semble ; depuis un an, je le vois vivre tous les jours, tandis que vous, vous n’avez vu et vous n’avez pu apprécier que deux ou trois actes de sa vie. Comment voulez-vous juger quelqu’un là-dessus ? Philippe a du bon, je vous assure.
— Oui, murmura ironiquement Irénée.
— Je l’ai vu une fois pleurer à mon chevet, lorsque j’étais malade.
— Rien qu’une fois ?
— D’ailleurs, quand ce serait un monstre, que vous importe ? Je l’aime comme il est, je l’aime pour moi. C’est de l’égoïsme,