Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/99

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— Non !

— Marianna, il est des choses fatales ; cette rencontre est du nombre ; rien ne saurait l’empêcher.

— Vous irez sur le terrain ?

— J’irai.

— Vous ajusterez Philippe ?

Et, sans laisser le temps de répondre, elle s’écria :

— Ah ! si vous faites cela, je vous exécrerai !…

Irénée la considéra avec une expression de douloureuse surprise.

— Vous m’exécrerez ? dit-il lentement et comme s’il ne comprenait pas bien.

La femme fit un brusque mouvement de tête qui signifiait :

— Oui.

Il se détourna pour ne pas laisser voir ce qu’il souffrait. Deux minutes se passèrent dans un pénible silence. Ce qu’il y avait de farouche dans la nature de Marianna était réveillé et tendu. Ses yeux brillaient d’un feu fixe dans la demi-obscurité où elle était posée.

— Exécré par elle ! murmura encore Irénée.

La musique des jardins montait en ce moment jusqu’à eux, par la croisée restée ouverte. Un vent incertain agitait la bougie. Ce bruit inégal et cette lueur tremblante étaient bien à l’unisson de cette scène d’anxiété.

— Allons ! dit Irénée, c’est assez de son oubli, je ne veux pas de sa haine.

— Eh bien ? demanda Marianna qui ne respirait plus.

— Que votre destinée s’accomplisse, malheureuse femme, et que cet homme vive donc, puisque votre vie est liée à la sienne !

— Ah ! merci, Irénée !

— Qu’il vive, pour combler la mesurer et mériter jusqu’au bout vos malédictions !

Marianna n’écoutait pas. Elle s’était précipitée sur la main d’Irénée et elle la couvrait de larmes de joie. Il s’arracha à ces transports qui lui faisaient mal, et, d’une voix altérée par l’émotion :