Page:Monselet - Le Marquis de Villemer par George Sand, paru dans Le Figaro, 14 novembre 1861.djvu/14

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Eh bien ! non, madame Sand n’est pas en progrès. Jamais talent, au contraire, ne fut plus merveilleusement stationnaire que le sien. Le jour où elle a écrit Jacques, elle a trouvé son style. Depuis, ses idées ont pu varier, s’amoindrir ou s’élever, se troubler ou se purifier, sa manière est demeurée la même. C’est là le principal caractère de son œuvre. Maintenant, jusqu’à quel degré cette imperturbabilité de facture n’engendre-t-elle pas la monotonie ? C’est précisément ce point délicat qui fait le sujet de mon article. J’ai dit mes préférences pour ses romans d’éclat ; cet aveu laisse à deviner une partie de mes restrictions au sujet de ses derniers romans, dont le cercle intime tend à se resserrer de plus en plus.

Cette presque indigence dans le choix des sujets tient peut-être au nouveau système de travail de l’auteur. Il ne s’agit plus, comme jadis, d’une vie mondaine et de voyages ; ce ne sont plus les soirs parfumés du café Florian, à Venise ; ce ne sont plus les nuits enfiévrées de Paris ; c’est la solitude du Berry, c’est la vie de propriétaire, c’est l’agriculture, c’est le labourage.