Page:Monselet - Le Marquis de Villemer par George Sand, paru dans Le Figaro, 14 novembre 1861.djvu/15

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On n’écrit plus, les mains tremblantes, et les yeux fixés sur ce but enivrant : la gloire. On a la gloire, c’est le reste qu’il faut aujourd’hui. C’est la ferme à agrandir, c’est le lopin de terre à acheter. Tous les jours que Dieu fait, soleil ou pluie, on a devant soi le même nombre de feuilles à remplir de cette haute et grave écriture de procureur. On s’y est habitué ; le corps en murmure d’abord un peu ; l’esprit en soupire, car il abdique le plus beau de ses droits : le droit à l’inspiration. Cette inspiration, on l’exige par tous les moyens, on la traque, on la force, et je sais bien qu’elle finit par venir. Je connais les bénéfices de l’habitude, les résultats heureux de la tâche quotidienne ; c’est l’abus seulement que j’en blâme, c’est l’excès que j’en déplore. Et n’essayez pas de nier les dangers, les lacunes, les défaillances qu’entraîne le travail absolument régulier. Vous vous mentiriez à vous-même.

La supériorité de George Sand est, dit-on, dans sa façon d’exprimer l’amour, de peindre ses orages, de solfier ses tendresses. Sur ce terrain-là, on veut la voir sans rival. Je réclame au moins une place d’honneur,