Page:Monselet - Les Aveux d’un pamphlétaire, 1854.djvu/65

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me remercia avec une effusion dont mon cœur fut agité.

Sur ces entrefaites, une idée me saisit.

— Comment vous appelez-vous ? lui demandai-je.

— Denise.

— Quel est votre âge ?

— Dix-sept ans, me répondit-elle.

— Eh bien, Denise, moi j’en ai plus de soixante-six ; je suis un vieillard et je ne tiens à personne au monde ; voulez-vous être ma gouvernante ?

La petite joueuse de guitare resta un moment interdite ; puis de grosses larmes se firent jour dan ses yeux.

— C’est plus de bonheur que je n’osais en attendre, dit-elle ; parlez-vous bien vrai ?

Il n’y a que les âmes naïves pour opérer des bouleversements dans les âmes flétries. Cette jeune fille, qui n’était pas précisément jolie, mais qui avait pour elle un grand air de bonté, faisait rentrer en moi mille sensations anciennes et perdues. J’avais tellement vécu en dehors des sentiments simples, mon cœur et mon esprit appartenaient si peu aux mœurs familières, que je me vis à mon tour embarrassé